Trop de bonheur tue le bonheur...[PV Eden]

Nous appelons ça un don, il est possible de le contrôler. Non il n’avait jamais été possible de contrôler la malédiction, même si j’avais essayé du plus fort de mon être. Il ne s’arrêtait qu’en compagnie d’un personne qui incarnait la joie de vivre. Et seulement que j’étais isolée avec cette personne. Il semblait penser que c’était facile, ça l’était peut-être pour lui. J’aurais rêvé de pouvoir voler, ou créer des fleurs au lieu de ça, mon « don » me poussait au suicide. Et rien que d’y penser, j’avais envie de mourir, disparaitre à jamais et faire cesser mon calvaire. Le regard de Grá me fendit le cœur, mais je ne voulais pas de cette vie que l’on m’avait si gentiment offerte.

« Parce qu’à ton avis, nous n’avons jamais essayé de le contrôler ? Ce bonheur irrationnel que tu as ressenti et que je ressens chaque jour en étant proche d’elle. Il n’est pas contrôlable. Comment appellerais-tu un pouvoir qui fait sortir ta bonne humeur par tout les pores de la peau sans même t’en laisser une toute petite parcelle pour exister ? »

Grá soupira. Il avait redit exactement ce que je lui avais transmis. J’avais horreur que l’on se mele de mon existence sans savoir. Qu’on vienne y mettre plus le bazard que ça ne l’était déjà et que l’on parte. Peut-être que pour lui, il ne suffisait que d’un au revoir pour tourner la page sur cette rencontre. Pour moi, c’était différent. Pour moi, son ombre flotterait. Sa critique resterait toujours au dessus de ma tête. Un don. J’avais envie de pleurer. Je repoussais mon plateau d’une main ferme, aussi ferme que me permettait de le faire mes muscles endoloris par le manque de nourriture. Je posais la tête sur la table, la respiration difficile. Je n’aurais jamais de venir ici. J’étais en train de mourir à petit feu et personne ne pouvait arrêter ça. Je sentis la langue de Grá contre mon coude osseux. Mais je n’avais plus la force de le caresser. Même les larmes coulaient sur mes joues, mais j’étais trop fatiguée pour les retenir. Mon chacal se retourna vers Alexander. Même si ses yeux brillaient de malice et de joie, il déclama d’une voix posée, au intonation assez froide.

« Tu es qui pour venir mettre le bordel dans la vie des autres, sans même les connaitre ? »

Dis lui de partir, de s’en aller. Je ne veux plus le voir.

« Va-t-en. »

Va t-en. Je t’en supplie. J’avais terriblement besoin d’être seule, mais je n’avais plus la force de me lever. J’étais fatiguée et mon corps criait famine. Non je n’avais pas faim, je n’avais pas faim. Et tout à coup, je la sentis, l’étincelle. Toute petite, miniature, infime. Mais je la sentais. Mon étincelle. Elle existait encore, elle existait. Les larmes me montèrent à nouveau au yeux tandis que Grá, je le sentais, avait une sensation étrange, il vivait mon mal être. Mais ça dura seulement quelque secondes, et tout redevint comme avant. C’était un rêve. Rien de tout ça n’avait exister, rien. Ce n’était pas possible. Ce n’était plus mon étincelle depuis longtemps. Mais il me fallait savoir. Il ne fallait qu’il s’en aille. Je voulais encore la sentir, mon étincelle. Et c’était la première fois depuis longtemps que j’avais envie de quelque chose.

« Attends ! »

La voix de Grá avait retentit dans la caféteria et je me redressais, pour que mon daemon ne se sente pas seul à crier. Je me levais de ma chaise, tremblante, affaiblie. J’avais besoin de m’asseoir. Je sentis la présence chaude de mon chacal contre ma jambe. Il voulait juste m’aider. Je tendis un bras tremblant vers le jeune homme, il fallait que je sache. Je me sentais mal, tellement mal, mon corps hurlait de douleur et moi je continuais à me boucher les oreilles, je ne voulais pas l’entendre, il n’existait pas.

« Comment as-tu fais ? »

L’étincelle. Je poussais Grá, à bout de force pour ne pas le blesser, pour ne pas l’écraser et mon corps tomba comme une allumette, s’écrasant sur le sol dur. Mes jambes ne me tenaient plus, ma tête ne me tenait plus, et là, sur le sol froid, je voulais dormir pour toujours, parce que je l’avais sentie, l’étincelle qui ne m’appartenait plus. Pas. Qui ne m’avait jamais appartenue.

Ne pas profiter d’autrui, ne pas profiter d’autrui si ça le plonge dans la déprime. Alors profiter du don de quelqu’un si ça nuit à personne c’est humain ? J’avais mal, mais le sol froid m’aidais. Possibilité d’annuler ou de renforcer un don. Ca résonnait en écho dans ma tête. Je me demandais ce que ça aurait bien pu me faire s’il essayait de renforcer la malédiction, je ne suis pas sur que ça aurait un quelconque effet, mais ça aurait pu être drôle d’essayer. Drôle. Bizarre. J’aurais peut-être beaucoup plus envie de mourir, si c’était possible. Ou alors un maximum de gens pourrait profiter de la malédiction ? Je n’en savais rien du tout, mais je ne voulait pas savoir. La froideur du sol m’absorbait petit à petit.

Il m’aida à me lever et je m’appuyais sur lui, je savais que c’était une mauvaise idée, parce que se poser contre lui, le contact, tout ça ne ferait que renforcer ma malédiction sur lui, et même avec son don, je n’étais pas sur qu’il soit possible de retenir le flot de bonne humeur qui passait dans son corps. Manger, ce mot m’était devenu inconnu, j’avais déjà passer plus de deux jours sans manger, je n’allait pas en mourir, après tout, j’avais tellement essayer. Mais au mot manger, j’eu un haut-le-cœur. Je me pencha sur le coté et vomit, enfin, je vomis ce qui pouvait être vomi, c’est-à-dire rien, de la bile, rien. Une fois que ce fut terminer, je m’accrochais à Alex, il fallait que je m’asseye tout de suite. Je repris possession de la chaise tandis qu’une femme de la cafeteria vint nettoya la sécrétion de mon estomac en me jetant un regard noir.

Grá indiqua la chaise en face de moi pour le faire s’asseoir, il était bien plus curieux que moi et moi, j’étais surtout trop fatiguée. Quelque regards curieux c’était tourné vers nous mais je n’en avais que faire. Grá posa ses pattes sur la table et poussa l’assiette de kiwi vers moi. Pour lui, il fallait que je mange. J’attrapais un bout de fruit entre mes doigts tandis que je sentais les regards d’Alex, de son daemon, de Grá sur moi. Une minutes s’égraina, lentement, très lentement. Et je mis enfin le morceau de kiwi dans ma bouche, il était minuscule, la taille d’une phalange de petit doigt, pas plus.

« Tu pourrais le refaire, redonner la bonne humeur à Eddy ? Parce que ça a marché, l’espace d’une seconde tu l’as légèrement enlevée aux autres et tu lui l’as rendue. Tu pourrais le refaire ? »

Dans la voix de mon daemon, il y avait une certaine excitation, il était tellement heureux qu’il y aie peut-être un moyen de me rendre ma joie qu’il n’arrivait plus à se contenir.