Fatigue quand tu nous tiens [ PV Robin ]

Il faisait froid, enfin, pour toute personne qui n’était pas habituée à des températures peu élevées. Le vent soufflait relativement fort et le soleil, très présent depuis plusieurs jours avait disparu pour la journée. Le parc était vide, complètement et totalement. Excepté un jeune homme de vingt ans, nu pied, suivit de près par une magnifique et grande léopard des neiges. Gabriel souriait, il était en pleine conversation mentale avec sa daemon. Ils parlaient littérature, photographie. Elendil était en train de lui demander son avis sur le dernier Emily Dickinson qu’ils avaient lu ensemble. Mais la daemon remarquait bien que sa moitié était fatiguée, ils avaient veillés toute la nuit et le jeune homme, malgré le vent froid, n’arrivait pas à rester totalement éveillé. Mais ils aimaient tout les deux tellement la lecture, et Gabriel savait à quel point sa moitié adorait quand il lisait pour elle. De toute façon il aurait tout fait pour elle, même si elle préférait dire que c’était elle qui faisait tout pour lui et qu’elle était là pour le protéger. Il jeta un coup d’œil en coin à la féline et celle-ci le senti. Elle tourna la tête et lui jeta un de ces regards ambrés, protecteur, tendre et aimant. Ceux qu’elle n’avait que pour lui, ceux qu’elle n’aurait jamais que pour lui. Le jeune homme lui sourit et trébucha. Pourtant il était pied nu et il avait toujours meilleurs appui comme ça. Il avait grimpé aux arbres et vécu dans la jungle, courant dans la boue, sur des racines, sur des sols caillouteux et inconfortable. Il était trop fatigué et la léopard le savait très bien. En temps normal, ses pieds étaient tout à fait fiables.

La féline finit par l’inciter à aller s’assoir sur un banc, ce que le jeune homme fit sans même répliquer. Mais au lieu de s’asseoir, il s’allongea. De toute façon, il n’y avait personne, il faisait trop froid, il n’y avait que lui pour être assez fou pour sortir pied nu dans un parc alors qu’il ventait. Le jeune homme soupira et laissa tomber sa tête vers le bas, à l’extérieur du banc. La féline vint se mettre vers sa tête et le jeune homme, toujours à moitié à l’envers appuya sa tête sur le corps de sa daemon. En vérité, il n’était pas dans une position très confortable, le bord du banc s’enfonçait dans son dos, mais il n’en avait rien à faire. Elendil ronronnait et s’était tellement agréable d’avoir le poil chaud sous son cou et le vent froid sur ses pieds. Il était bercé par ce bruit continu, cet agréable virement, une de ses mains glissa vers sa tête et tomba dans les poils de la féline et lentement, malgré la douleur qui lui brulait le dos, il se sentait partir dans un brouillard, un énorme brouillard, et il s’endormit.

Une veste, une écharpe, mon appareil photo, et DEHORS !

Voilà quelques jours que j’étais arrivée dans cette université tout à fait insolite, et il me tardait de prendre mes tous premiers clichés. Même dans des circonstances tout à fait normales, il y avait ici de quoi prendre d’excellentes photos, au vu des étranges créatures qui se baladaient. En plus, les étudiants avaient tous leur don unique et ma curiosité était déjà sollicitée. Aurait-je vraiment besoin de jouer de milles farces pour capturer le jubilatoire ? Sans doute pas. Mais pas question de perdre mes mauvaises habitudes pour autant : je continuerai à embêter mon prochain.

Moi je ne suis pas contre les bonnes résolutions.

Une voix râleuse et hautement ironique s’était introduite dans ma tête, et je tâchai d’en déterminer l’origine. Quelques secondes plus tard, mon ventre se mit à me chatouiller, et une petite bosse déforma ma veste. Elle remonta rapidement dans l’étroit couloir entre le tissu et ma peau, jusqu’à se faufiler par le col. La créature laissa uniquement sa petite frimousse dépasser, trop frileuse à l’idée de sortir complètement.

« Sale petite vermine, tu devrais me payer un loyer ! »
« Tu parles, je porterais plainte pour logement insalubre et trop étroit ! »
« Insalubre ?? »

J’avançai ma main vers lui, dans un geste d’une éloquente menace.

Non, non, pas ça, Rob…

Schping ! Et une pichenette dans la tronche, une. Ca le calmait direct.
Je continuai donc ma route, ignorant le gémissement plaintif de ma bestiole, et au détour d’un grand bâtiment, le parc s’étendit sous mes yeux. Ah, ca m’avait l’air pas mal pour courir, je tâcherai de m’en souvenir. Mais on m’avait également parlé des environs, notamment une grande plage assez calme, je pourrais y passer aussi. Curieuse, je m’immisçai donc parmi les bosquets d’arbres centenaires, les rosiers bien taillés et les bancs peu occupés en cette fraîche et venteuse journée. Je pris mon appareil en main, regardai à travers l’objectif pour y tâter la lumière ambiante. Elle était blanche, froide, et assez intense malgré la moutonneuse tenture de nuages. Je poursuivis mon chemin, attendant d’avoir un bon point de vue pour mitrailler.

« Ahh !! »

Le furet plaqua sa petite tête contre mon cou, soudainement effrayé par quelque chose. J’inspectai les environs, surprise par sa brusque peur. Il n’y avait rien.

Là, là, regarde, une queue qui bouge. On dirait qu’elle appartient à une énorme bête féroce.

En effet, dépassant d’un buisson, je la vis, tachetée comme celle d’un léopard. Alors comme ça cette petite bête tremblait devant un gros matou ? Intéressant. Je m’approchai de ce qui semblait être un volumineux daëmon, jusqu’à découvrir son corps entier.

Je te jure que si tu essaye de me donner en goûter à ce monstre, je couvrirai ton corps de morsures !
Mais que de violence ! Tu me crois donc si traître ?
Je pense surtout que ça t’amuserait beaucoup.
Pas faux.

J’avançais à tâtons, ne voulant surtout pas réveiller l’animal, quand j’aperçus son humain. Un fou rire me monta à la gorge, et j’eus grand mal à le contenir. La pose du jeune homme était si grotesque que j’en demeurais perplexe. Comment avait-il réussi à s’endormir ? Etendu sur le banc, l’inconnu était bien trop grand et sa tête reposait sur le dos du grand léopard allongé à ses côtés. A chaque respiration du félin, il manquait de se rompre le cou ou de tomber à la renverse, tant son équilibre était précaire. Une pulsion me prit alors, et m’empoignait mon appareil fermement. J’avais trouvé l’objet de mes premiers souvenirs.
Silencieuse, je m’accroupis face à lui, tâchant d’être assez loin pour ne pas le réveiller. Click, click, click. Je pris différents points de vue. Click, click, click. Puis je ne résistai pas à l’envie de m’approcher, le zoom n’étant pas mon fort. Je dirigeai l’objectif vers l’arrête tordue de son cou, quand un bruit sourd me glaça l’épiderme.

Oups. Tu crois que je l’ai réveillé ?
Je vais te tuer, Robin Warroll.

Dormir, c’était si bon de dormir, on avait l’impression d’être enveloppé dans du coton. Et ici, le coton était un léopard des neiges, pas mal non. Léopard qui fut réveillée par un bruit répétitif et bien gênant. Un puissant grognement s’échappa alors d’entre ses crocs. Ce bruit, elle le connaissait parce que Gabriel faisait de la photographie et en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, la féline était debout, laissant la tête de Gabriel pendre négligemment et sans nul doute très douloureusement en bas du banc. Elendil se plaça alors entre sa moitié et celle qui utilisait l’appareil photo et releva ses babines, dévoilant ses crocs blancs. Puis elle aperçut le furet. Miam. Un peu de viande fraiche au menu.

« Je peux savoir ce que vous faites ? »
* Gaby ! Réveilles-toi ! *

Le jeune homme se redressa alors et se frotta la nuque, laissant échapper un késkispasse endormi. En temps normal, Elendil ne le réveillait que s’il se passait quelque chose de grave ou si tout à coup elle devait s’éloigner pour une raison ou une autre. Regardant autour de lui, il prit connaissance de la situation d’une manière alarmante. Elendil, debout, tous crocs dehors en train de grogner contre une jeune femme qui semblait innocente, son appareil photo à la main et son furet qui sortait de son pull. Il ne savait pas ce qui c’était passé mais immédiatement il se leva immédiatement d’un bond.

* Princesse ! *

Immédiatement, la daemon baissa les babines et vint se coller à la jambe de sa moitié. Tout ce qu’elle voulait, c’était le protéger et il le savait. Gabriel gratouilla l’oreille coupée d’Elendil et celle-ci ferma les yeux de bonheur. Puis Gabriel fit un signe de main à la jeune femme pour pouvoir excuser l’attitude de sa daemon, mais il ne savait pas très bien ce qui c’était passé alors il ne pouvait pas vraiment accusé l’un ou l’autre.

« Je m’appelle Gabriel, désolé pour l’attitude surprotectrice d’Elendil. »

Mais apparemment, Elendil avait décidé de faire encore moins confiance aux nouveaux venus que d’habitude et elle grogna à nouveau. Gabriel lui jeta un regard noir, il se demandait ce qu’elle les avait surpris en train de faire pour avoir une attitude pareille.

« Qu’est ce que vous étiez en train de faire ? »

Encore accroupie, le regard fixé sur les énormes pattes du léopard, je ne savais comment réagir. J’étais loin d’être froussarde, n’empêche qu’être face à face avec une telle créature ne me laissait pas de marbre. Ma peau était parcourue d’un frisson désagréable, et ma bouche me semblait étrangement sèche. Mon seul réflexe avait été de cesser de bouger, tout comme le faisait la petite bête coincée entre mon cou et mon pull, et je me cramponnais solidement à mon appareil photo. Après tout, on ne pouvait pas deviner comment le daëmon allait réagir. Serait-il violent ? Nous mourrions en une seule bouchée. Avant que mon esprit fertile n’imagine le massacre, le félin se leva, laissant retomber son humain de façon plus comique encore. Il s’approcha de nous, l’air menaçant, pour se placer entre nous et le jeune homme qui restait – étonnamment – profondément endormi. Puis, semblable à un grognement féroce, une voix féminine retentit :

« Je peux savoir ce que vous faites ? »

J’eus un léger mouvement de recul, sous le coup de la surprise, et tombai sur mes fesses. Je sentis mon furet se rétracter et ne laisser dépasser que son museau à l’air libre. De son côté, l’humain réagit enfin, et abandonna sa position burlesque. Il avait le visage de quelqu’un qui venait à peine de sortir d’un profond sommeil, les yeux gonflés et les cheveux en pétard. Trop mignon. Si je ne risquais pas de me faire bouffer dans la seconde, j’aurais pris des photos sur le champ. Mais j’avais, comme qui dirait, un instinct de conservation. Petit à petit, je le vis prendre conscience de la situation, et quand il parut voir la scène clairement, il se leva brusquement. Un échange mental dû avoir lieux entre les deux êtres, car le prédateur se calma soudainement et vint se coller à l’humain comme un gros chat.

Tu peux ressortir ta bouille, mocheté, on est tiré d’affaire… je crois.
Tu es peut-être tiré d’affaire, espèce de grande perche, mais moi je sens encore le danger. Elle veut me bouffer la grosse bête !

Pour le contredire, un petit échange affectueux se fit entre les deux partenaires, et le jeune homme me fit un petit geste d’excuse. C’est une voix aussi grave que mélodieuse qui se présenta. La tension qui s’était insidieusement incrustée en moi se relâcha légèrement. Je n’avais rien fait de grave après tout. Ce n’étaient que deux, trois clichés. Quand je m’apprêtai à lui répondre, un grognement me coupa dans mon élan.

« Qu’est ce que vous étiez en train de faire ? »

Son ton était brusque, agressif, et mon malaise me prit de nouveau. De quoi ? Moi aussi j’avais peur d’un gros minou ? Il fallait avouer qu’un léopard protecteur avait quelque chose de terrifiant. Elle donnait comme l’impression de voir sa vie défiler devant les yeux. Je fixai ses crocs, ses griffes, et tout ce qui menaçait de m’étriper si je lançais un mot de travers. En plus, j’imaginais qu’elle n’avait pas le sens de l’humour. J’avais pourtant du mal à communiquer autrement. Je me raclai la gorge.

« Oh, heu je m’appelle Robin, et la vieille chaussette puante qui me colle au bec sera ravie que vous l’appeliez Ralph. Je… »

Je remarquai qu’il n’était pas très classe de se justifier le cul à terre et me relevai, en me frottant le jean. Pour toute excuse je levai mon appareil et lançai un sourire amusé – quoiqu’un peu gêné.

« J’avais décidé de prendre quelques photos du parc quand je suis tombée sur toi. J’ai toujours eu une passion pour les colonnes vertébrales à forte inclinaison… »
« Ce que cette ahurie essaye de dire, c’est qu’elle n’a pris que quelques photos, qu’elle est navrée, et que si vous voulez bien nous épargner, nous vous remettrons la pellicule… »
« Ce que cette poule mouillée –et difforme – essaye de dire – malgré son petit retard mental -, c’est que j’ai prit des supers photos, et que j’aimerais en prendre d’autres si ça vous dérange pas. Oh, et si votre gros félin ne nous gobe pas entre temps. »

Mon rire amical reprit le dessus, balayant tout reste de crainte intempestive. Rien de mieux qu’un petit échange avec ma bestiole pour me remettre d’aplomb. Mentalement, il m’insultait de tous les noms, vu que j’aimais passer mon temps à le rabaisser, mais cela m’apaisait. Une insulte de lui et j’exultais. Je déconne, faut pas abuser non plus.
Je saisis le furet dans mon col et le sortit à l’air libre, pour le poser sur mon épaule. Glacé et surprit, il gémit :

Tu veux ma mort ou quoi ?
C’est plus poli de s’adresser à quelqu’un face à face, poltron.

Gabriel fit taire sa léopard d’un ordre mentale et celle-ci obéissante, se coucha au coté de son compagnon et détourna le regard. Et celui-ci écouta l’explication que lui faisait la jeune femme. Effectivement, il devait s’être couché dans une position assez cocasse. Même si avoir dormi dans des branches d’arbres lui avait permis de ne plus jamais faire attention aux divers positions dans lesquelles il se couchait. Et Robine lui expliqua qu’elle aurait bien aimé pouvoir prendre des photos de lui si Elendil ne les mangeait pas avant. Le jeune homme éclata de rire plus que franchement.

« Oh elle ne vous mangera pas. Elle croquera juste un petit bout. » Un grand sourire s’étala sur le visage du jeune homme. « Mais c’est d’accord pour d’autre photos. Ca ne me dérange pas le moins du monde. »

Le jeune homme lui sourit à nouveau tandis qu’Elendil baillait, dévoilant ses énormes crocs à la vue du petit furet qu’elle trouvait si mignon. Et ça donna une idée à Gaby. Après tout, il voulait être photographe animalier et l’occasion était rêvée, il trouvait le furet de la demoiselle absolument craquant et il ne voulait laisser filer ça pour rien au monde. Mais comment formuler cette demande ? Il se passa la main dans les cheveux, lui donnant l’air encore plus endormi que ce qu’il ne l’avait déjà et se lança.

« A condition que j’aie le droit de photographier cette adorable boule de poils. »

Il pointa le daemon du doigt et sourit à nouveau. Si elle disait oui, il pourrait passer de merveilleux moment. Et puis Robin avait l’air d’être une fille sympa et il était sur qu’ils pourraient bien s’entendre avec elle. « Parle pour toi. »D’accord. qu’il pourrait bien s’entendre avec elle et avec son daemon. De toute façon, il n’en faisait plus fit, Elendil ne s’entendait avec personne, jamais, si ce n’était les daemons qui vivaient avec eux dans la jungle quand il habitait encore en Australie. Et même ceux-ci avait mis un temps fou à avoir sa confiance.

« C’est dormir au sommet des arbres qui a formé la souplesse de ma colonne vertébrale. »

N’importe quoi Gaby. Il lui fit un nouveau sourire.

Le furet posé sur mon épaule en équilibre, je mis un peu d’ordre dans mes cheveux noués en queue de cheval, et époussetais encore une fois mon pantalon. J’avais toujours été particulièrement douée pour les premières rencontres. Celle-ci confirmait la donne. Des clichés pris à la dérobée, le cul par terre. Bien, Robin, la prochaine étape, c’est de te péter la tronche en beauté et de te faire dévorer par le gentil – mais affamé - léopard. Celui-ci rangea d’ailleurs ses crocs et se mot en position de retrait, près de Gabriel, tandis que ce dernier rigolait à ce que j’espérais être une plaisanterie de ma part.

« Oh elle ne vous mangera pas. Elle croquera juste un petit bout. »

Sympathique. Au moins il avait de l’humour, premier point positif. De plus, avec son grand sourire béat, il paraissait être de bonne humeur dès le réveil – ce qui en soi représentait un exploit. Ce fut une bonne surprise quand il accepta que je continue à le prendre en photo. Honnêtement j’avais demandé ça pour en rajouter une couche, mais j’étais persuadée qu’il refuserait. Dire que j’avais trouvé un modèle dès mes premiers jours à l’université, je n’aurais jamais parié là-dessus. L’année se présentait bien. Alors que je lui renvoyais son sourire, il posa une condition. Sa phrase mit un peu de temps à atteindre mon cerveau. Quelque chose ne collait pas. Il devait y avoir un bug.

T’entends ça le Truc ? Il t’a appelé…. « adorable boule de poils» ??! Non je rêve. J’ai rêvé, dis ?
C’est décidé, je change de partenaire ! Salut la moche !
HEY !

Alors que la sale bestiole traitresse rampait le long de mon corps, Gabriel expliqua comment il avait réussi à s’endormir dans une position aussi peu confortable. Il dormait en haut des arbres ? Intéressant… j’allais devoir me mettre à l’escalade, apparemment. Ca m’avait l’air galère – pour ne pas dire suicidaire – mais le rendu pouvait être terrible. J’imaginais déjà les panoramas gigantesques avec une petite silhouette juchée sur une branche… il fallait juste ajouter la touche comique.
Tout en rigolant à sa remarque, l’air impressionné, je suivis des yeux l’immonde rongeur qui m’abandonnait pour aller rejoindre son « nouveau maitre ». Arrivé à ses pieds, il tilta qu’il ne pouvait pas lui grimper dessus, à moins d’enfreindre les règles de la nature. Mais quel débile.

« J’accepte volontiers que vous me preniez en photo, cher monsieur, rien ne me ferait plus plaisir. La seule condition est que vous reteniez Mme Elendil de me bouffer. »

Il en venait presque à lui faire des courbettes. Sans rire, jamais personne ne l’avait autant complimenté sous sa forme de furet. Pas étonnant. Il retint un frisson en prononçant le nom du daemon et détourna son regard pour les poser sur la silhouette de son idole.

Nan mais j’hallucine, là. Qu’est-ce que tu lui trouves ? Oui, monsieur a un beau sourire et sait flatter – et crois-moi, c’est forcément de la flatterie – mais comment oses-tu me trahir ?
Tais-toi, la gueus…

« DAAA !!! »

La créature pas plus haute qu’un pouce fut soulevée dans les airs la tête en bas, et resta flotter ainsi. Il m’insultait et jurait, dans mon esprit et par la parole, dans un horrible couinement sonore. Je me tournai enfin vers Gabriel, la moue ennuyée.

« Moi je veux bien, et lui aussi comme tu le vois, mais t’es sûr que tu veux le prendre en photo ? Non, parce qu’il y a des sujets plus intéressant qu’un glouton flemmard, crois-moi. M’enfin chacun ses goûts. »

Je jetai un œil peu convaincu sur le pauvre animal toujours en lévitation, en train de gesticuler.

« Et puis si en échange je peux avoir de bons clichés, y’a pas de problème. Par contre je blaguais pour le truc de la colonne. J’aime prendre des photos trippantes en général. Une grimace, une étrangeté, une situation insolite et j’suis satisfaite. Ca te va aussi ? »

Je fouillai alors dans ma poche de jean et trouvai un vieux bic défraichi. Je passai la bille sous mon talon jusqu’à ce que l’encre se décide à couler. Sans rien dire, en continuant dans ma lancée, je chopai la main de Gabriel et y écrivait rapidement mes cordonnées.

Robin Warroll
0454 - 37761 - 183

« On se fait ça quand tu veux! » Dis-je avec entrain.

Simultanément, décidée à ne pas relâcher le furet de mon emprise, je commençai à lui faire faire des loopings, et des petites chutes libres à répétition.

Le petit furet descendit du corps de son humaine et vint se mettre devant Gabriel, la situation était plutôt comique. Ça se voyait qu’il était effrayé par la daemon mais qu’en même temps il voulait faire bonne impression. Gaby ne put s’empêcher de sourire devant cette petite créature qu’il jugeait de parfaitement adorable, même si son humaine ne semblait pas tout à fait penser la même chose de lui. Pauvre petite créature à poil blanc. Elendil bailla, dévoilant ses énormes crocs et Gabriel aurait pu parier son appareil photo que c’était pour faire peur au furet. Il lui demanda mentalement une confirmation, mais celle-ci ne répondit rien. Gagné Gaby.

Puis, tout à coup, sans même prévenir, le furet se retrouva dans les airs et Gabriel regarda Robin d’un air choqué. Ce n’était quand même pas elle qui venait de faire ça ? Elendil c’était levée, elle aussi un peu troublée, jamais elle et Gabriel n’aurait eu l’idée de s’envoyer des insultes et de se soulever dans les airs. Le jeune homme reporta son attention sur la blonde, essayant d’oublier le furet toujours en l’air. Des situations insolites hein ? Oh, ça il n’y avait pas de soucis, il était de toute façon un peu fou, gars de 20 ans bien dans sa peau que voulez vous.

« Bien sur que ça me va. »

Il lui fit un grand sourire. Qu’est ce qu’elle cherche maintenant ? Ah tient un stylo. La jeune femme lui attrapa la main et lui écrivis ses coordonnées. Gabriel se sentit tout à coup mal à l’aise, il n’avait pas de téléphone. Ça arrivait à tout le monde, mais il n’en voyait pas du tout l’utilité. Il avait déjà eut du mal à se mettre dans les technologies en six ans de vie hors de la jungle, il avait appris tant bien que mal à conduire une voiture, mais les téléphones, c’était sa hantise. Il ne répondit rien et hocha la tête en signe d’affirmation et ponctua le tout d’un nouveau sourire. « Qu’est ce qu’elle fiche ? » La voix d’Elendil qui résonna dans sa tête le sortit de ses pensées et le jeune homme posa son regard sur le furet qui faisait maintenant des pirouettes aériennes. Malgré le malaise qu’il éprouvait, il n’osa rien dire, ce n’était pas à lui de juger les autres. Mais Elendil ne l’entendait pas de cette oreille.

« Ca suffit ! »

La léopard c’était avancée d’un pas, totalement choquée par ce que la jeune femme faisait subir à son daemon. C’était peut-être de la taquinerie, mais pour elle, ça relevait de l’insolence et du non respect. D’accord, les daemons étaient la moitié d’âme d’un humain, mais ils étaient quand même des créatures à part entière. Les babines de la féline se relevèrent, dévoilant une nouvelle fois ses crocs.

« Laissez le descendre. »

On s’était donc mis d’accord. Gabriel avait accepté avec un grand sourire et le contrat était conclu. Je trouvais que la journée commençait bien, et j’avais déjà hâte de vaquer à nos petites séances de photographie. Je louchai à présent sur mon furet qui commençait à se lasser de mon petit jeu. Il avait l’habitude depuis le temps, mais il ne fallait pas que ça dure trop longtemps, je le savais. En même temps, quand je songeais aux représailles qui m’attendaient toujours par la suite, ça ne me donnait pas envie de cesser la torture.
Alors ces montagnes russes ?
Tu sais que tu vas me le payer, n’est-ce pas ?
Oh oui, pensais-je en soupirant.

Sans que cela ne me coûte une once d’énergie, je lui fis faire encore quelques boucles, rien que pour le plaisir de l’entendre gémir d’inconfort. Avec un petit sourire sarcastique, je m’apprêtais à le déposer sur mon épaule quand un rugissement sourd m’interrompit.

« Ca suffit ! » cria Elendil.

Je sursautai de surprise. C’est qu’elle avait de la voix, la bestiole. Je ne m’étais pas attendu à me faire beugler dessus, encore moins pour défendre mon cher et tendre furet. Et moi qui pensais qu’elle voulait le bouffer. Peut-être était-elle énervée que je joue avec sa nourriture avant ? L’animal se montrait à présent tout à fait hostile. Elle avait perdu son agressivité protectrice pour devenir tout bonnement menaçante. Apparemment, mes actions lui déplaisaient tout à fait et elle m’intimait l’ordre de cesser. Les crocs apparents et les yeux réduits à de simples fentes, elle semblait prête à attaquer. La surprise qui m’avait saisit de premier abord laissa place à une profonde irritation. Nan mais de quoi j’me mêle ? Je lançai au daemon un regard dédaigneux et fis mine de la snober. S’il y avait bien quelque chose que j’avais du mal à supporter, c’était une autorité mal placée.

Avec soulagement, la Chose prit la direction de mon épaule lentement, et une fois posé, put reprendre ses esprits. Je sentais dans son esprit malin grouiller milles vengeances, auxquelles j’essayais de me préparer. Il avait de la suite dans les idées le mioche. D’autant plus qu’il n’attaquait pas immédiatement mais attendais que j’oublie pour me prendre de revers. Entre nous, ce jeu était presque constant, et paradoxalement faisait de nous les plus grands complices qu’il put exister, même si tout le monde ne le voyait pas ainsi.

« T’as vu ça, la Chose ? Elle te défend maintenant ! Tu vas peut-être pas finir dans son estomac en fin de compte.»
« Bonne nouvelle » Répondit-il avec ironie, « Par contre j’en connais une qui va souffrir… »

Nous échangeâmes un regard à la fois tendre et belliqueux. Dans ces moments, nous n’avions pas besoin de prononcer un mot, que ce soit de voix vive ou par la pensée. Nos deux êtres communiaient en harmonie. Je daignai enfin décrocher un regard vers le léopard des neiges qui fulminait encore. Mon irritation de passage s’était envolée, et je la toisai l’œil amusé.

« Chacun sa façon de s’aimer »

Je saisis l’appareil photo qui pendait autours de mon cou et mis le cache sur l’objectif, tout en m’assurant qu’il était bien éteint. Je jetai un dernier coup d’œil sur le parc qui s’animait d’un rayon de soleil fugace, et tâtais l’herbe grasse et verte, qui constituait un nouveau composant de mon environnement. Ce parc me plaisait déjà. Je lançai un clin d’œil à Gabriel et d’un petit geste militaire, le saluai.

« Sur ce… »

Mes pas s’éloignèrent lentement du banc autours duquel j’avais fait cette fortuite rencontre.

Elendil grognait et ça n’avait pas l’air de faire grand-chose à Robin. Pourtant, si Gabriel ne connaissait pas sa daemon, il en aurait surement eu peur. Il c’était déjà retrouvé devant un félin prêt à bondir et c’était sa belle Elendil qui en avait fait les frais. D’ailleurs, la balafre qu’elle avait à l’œil droit en était la preuve même. Il se souvenait parfaitement de ce jour là. Mais en ce moment, ça n’avait pas d’importance. Il était lui aussi choqué par l’attitude de la jeune femme, mais après tout, ce n’était ni à lui de juger, ni à Elendil, et alors qu’il allait la rappeler, les crocs de la demoiselle repartir se cacher derrière ses babines blanche et elle revint au pied de Gabriel.

Devant leur échange et leur regard, il semblait à Gabriel que les deux compères s’entendaient bien, c’était peut-être simplement leur façon de se taquiner et de se montrer qu’ils s’aimaient. Même si, une fois encore, il ne serait jamais venu à l’esprit du jeune homme de lancer des piques à Elendil, ni de la suspendre en l’air rien que pour s’amuser. Mais après tout, comme l’avait si bien dit Robin : Chacun sa façon de s’aimer, et même s’il désapprouvait, il n’avait pas à se mêler de leur vie de cette façon. Après un clin d’œil et un geste militaire, la demoiselle tourna les talons.

« A la prochaine. »

Après l’avoir salué à son tour, le jeune homme repris sa balade qu’il avait interrompu à cause de la fatigue. Et en vérité, il était toujours aussi fatigué. La léopard se glissa sous sa main en ronronnant et tout deux reprirent leurs marches à travers le parc, qui commençait à s’ensoleiller. Il avait eu raison de sortir par ce temps, ça lui avait permis de faire une rencontre très intéressante, il se réjouissait déjà de la prochaine fois où il reverrait la jeune femme. Contrairement à Elendil, qui se renferma sur elle-même à cette pensée.

[sujet terminé]

(je suppose ^^)

(Ben oui, à moins que tu veux que Gab' te cours après xD)

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