Lindwuën At Night. [ Gabriel ]

La pluie. Le noir.
La rue. Le soir.
GABRIEL J. LACKEY

Le puissant rugissement de la moto retentit dans l'air glacé de la nuit et se transforma en un ronronnement profond. Des clefs tournèrent, des phares s'éteignirent. Et ce fut le noir complet. Pas de lune, pas de lampadaires, pas de témoins. Juste la brûlure glacée de la pluie qui tombait sur son visage, le frigorifiant jusqu'aux os. Il avait besoin de marcher, d'évacuer une rage qu'il ne comprenait pas. Il était en colère, ne savait absolument pas pourquoi. C'était peut être tout simplement l'ambiance de la soirée. Ou bien Katey qui était introuvable. Aaron serra de nouveau les poings, leva son visage vers le ciel d'un noir d'encre. Non. Ce n'était pas Katey qui l'énervait. Au contraire, lorsque ses pensées s'égarèrent vers elle ils se détendit. Aaron secoua la tête. Ne pas rejeter l'émotion du moment. Il valait mieux qu'il soit énervé ici, seul, que sur quelqu'un qui ne l'avait pas mérité. Surtout que lorsqu'il s'énervait vraiment, c'est à dire rarement, il ne valait mieux pas être dans les parages. Tornade, ça vous dit quelque chose ? Dans le genre impossible à arrêter il se défendait assez bien. Un sourire carnassier étira ses lèvres à cette idée. Être incontrôlable, ça lui plaisait assez. En fait c'était un de ses principes. Ça, et l'imprévisibilité également. Et son indépendance. Mais il était clair que ces temps ci ça n'était pas le cas. Il dépendait de Katey, elle dépendait de lui. C'était une lourde responsabilité et un peu de liberté qui s'envolait avec cette réalité. Mais bon sang, si c'était ça le prix à payer pour autant de bonheur... Il était prêt à le payer toute sa vie. Arrête ça ! Il ne fallait pas qu'il retombe dans la joie du quotidien. Pour l'instant il n'était que rage contenue et envie de noirceur. Cela faisait tellement longtemps qu'il n'avait fait une petite virée en solitaire de nuit, sous la pluie. Solitaire, ou presque. Une buée chaude s'échappa de ses lèvres et il leva la tête vers le ciel, l'appelant. Elle était trempée, elle s'en fichait. Rien n'était plus grisant que la liberté qu'elle ressentait à cet instant. Un mince sourire étira les lèvres d'Aaron et il s'arrêta. Se contenta de laisser glisser les gouttes fraiches sur son visage. Et de se concentrer sur ce que Gaïa ressentait.

Ivresse relâchée, pâleur de sa pauvre existence clouée au sol. Bon sang ce qu'il n'aurait pas donné pour pouvoir voler avec elle ! Souvent, en rêve, il avait des ailes et la rejoignait. Et il n'existerais plus aucune barrière pour les arrêter. « Il n'y a déjà rien qui nous arrête petit d'homme. » Les yeux fermés et les bras écartés, Aaron sourit. Et se remit en marche. Il se sentait déjà mieux et la colère n'avait plus lieu d'être. Après tout, conte quoi était-il en colère ? Contre a peu près tout a bien y réfléchir, mais il ne fallait pas s'en faire. Il y avait tellement mieux à ressentir que la brûlure de la rage. Le jeune homme s'arrêta à côté d'un vieil immeuble désaffecté, avisa l'échelle rouillée qui semblait monter jusqu'au toit. Au loin, le tonnerre gronda. Un bref éclat de rire s'échappa de sa gorge et il pensa a Katey. Tu ne sais pas ce que tu rate ! Empoignant fermement le premier barreau, il se hissa à la force des bras sur un mètre et posa enfin ses pieds sur le métal rouillé. Un vrai jeu d'enfants. Il monta, se hissa sur le toit. C'était un toit plat, avec le sol en gravier et une petite porte menant aux étages en dessous. La porte était défoncée mais une plaque de béton en bloquait l'entrée. Bien. Personne ne viendrait le déranger. Personne de censé en tout cas. Car il fallait vraiment être un peu fou sur les bords pour se promener en pleine nuit dans les rues dangereuses de la ville, monter sur un toit branlant par une échelle qui n'en menait pas large non plus et attendre simplement que l'aube se lève. Ou de mourir de froid. Aaron frissonna, chassa d'un revers de tête la sensation glacée qui lui parcourait la colonne vertébrale. Il s'accouda au muret qui surplombait le vide et remarqua au loin l'enseigne brillante du cinéma. Le néon rouge criait sa présence dans la nuit sombre, semblait appeler à la visite. L'air sombre, Aaron lui tourna le dos et alla s'installer de l'autre côté, là où il ne verrait pas la ville. Il ferma les yeux de nouveau et laissa tout tomber. Oublia tout. L'espace d'une minute, d'une heure, d'une nuit. Laissa tout glisser comme la pluie sur son cuir et le long de sa nuque. Son corps avait froid. Son âme brûlait de quiétude. Doucement, Gaïa se posa sur son épaule et contempla avec lui la nuit. Noire. Douce. Glacée.
Vivante.

La nuit porte conseil dit on, mais si l’on n’a pas besoin de conseil, à quoi peut bien servir la nuit. Elle est froide, immobile, silencieuse. Sans lumière. La nuit représente le néant, l’angoisse parfois. Mais aussi le calme, le paisible. C’était cette atmosphère que cherchait Elendil en sortant chasser la nuit, toutes ces atmosphères réunies qu’offrait la nuit. Gabriel n’était pas loin, elle le savait, mais pour le moment, tout deux ne communiquaient que par la pensée. Une fois qu’Elendil eut attrapé une chouette, elle rejoignit son ami et se posa quelque minute pour manger, puis laissa un bout de viande crue que le jeune homme. Celui-ci le prit avec plaisir, puis proposa à la léopard d’aller se promener en ville.

« Tu es pied nu Gabriel, tu penses vraiment que c’est une bonne idée ? »

Le jeune homme hocha la tête et grattouilla sa daemon derrière les oreilles. Il se leva et la féline soupira. Quand le garçon avait une idée en tête, il n’y avait absolument rien qui pouvait le faire changer d’ami. Tout deux se mirent alors à courir à travers le bois en direction de la ville.
Débouler dans les rues, c’était très étrange. Il n’y avait aucune lumière, rien, ils avaient atterrit dans le coin de la ville le plus pourri et dangereux. Le jeune homme leva la tête et huma l’air, il avait envie de savoir s’il était seul dans les environs ou s’il y avait des gens qui trainait dans les environs. Humant l’air, il utilisa ses capacités félines pour ça, et bientôt, une fragrance particulière lui traversa les narines. Il connaissait cette odeur, mais il n’arrivait pas à se remettre dessus. A qui pouvait-elle bien appartenir ? Suivant l’odeur, il trouva un petit escalier en mauvais état qui montait jusqu’à un toit plat. Là, grâce toujours à ses capacités animales, il pu voir dans l’ombre une silhouette qu’il connaissait. Sur son épaule se trouvait un oiseau et Elendil se lécha les babines. Et tout à coup, la silhouette lui rappela quelque chose. Ou plutôt quelqu’un.


« Aaron ? »

6 ans le séparaient de cette rencontre. Le début du Danemark. C’était un moment où il n’était pas bien dans sa peau, son père était mort quelque semaine avant et il était très renfermé sur lui-même. Il n’était à cette époque, plus le jeune homme ouvert qu’il avait toujours été. Mais Aaron, ici ? Ce n’était pas possible, avec un oiseau sur l’épaule. Alors Aaron avait un daemon aussi ? Aaron était Shawnyüen ? Non ce n’était pas possible. Mais l’odeur ne trompe pas. Quand ils s’étaient rencontrés, Elendil était transformée en chat à pattes noires, c’est une espèce menacée de félin qui vit en Amérique du Sur, mais les gens ne connaissent pas cet animal, alors ils ne craignaient rien. Mais Aaron, ici…pas possible.

« Aaron c’est vraiment toi ? »

Un long soupir s'échappa encore de ses lèvres. Mais qu'est ce que je fous là ? Il aurait du être en train de se glisser dans les draps chauds de Katey, l'enlacer, poser son menton sur son épaule et s'endormir en sentant son cœur battre entre ses bras. Mais il était venu ici pour penser, être un peu seul. Et maintenant qu'il l'était il n'avait qu'une envie, retourner à Lindwuën. Décidément, cette université était tout pour lui. C'en était terrifiant. Terrifiant, et à la fois apaisant. Pour une fois qu'il avait des attaches sures... « On rentre ? » « Ouais... » Mais encore cinq minutes. Aaron sourit à la pluie, ferma une dernière fois les yeux en sentant l'eau glisser sur ses paupières. Puis, le bruit du gravier qui crissait doucement le ramena à la réalité. Brutalement. Il cru d'abord qu'il avait rêvé, et cette voix s'éleva dans les airs. Si inattendue qu'il sursauta et se retourna vivement. Bousculée, Gaïa poussa sur ses fines pattes pour ne pas se faire éjecter. Aaron se campa sur ses appuis et fixa l'ombre. La silhouette d'un jeune homme se détachait, il n'y avait rien de menaçant dans sa posture. Les épaules du pion se détendirent et il l'observa un instant en plissant les yeux. Etait-il à Lindwuën ? Pourquoi avait il la nette impression de l'avoir déjà rencontré ? Où est ce qu'il avait bien pu..

« Aaron ? »

Un souffle s'échappa des lèvres du principal concerné. On se connait ? De toute évidence l'autre le connaissait. Le garçon fit un pas en avant et Aaron fronça les sourcils. Il faisait sombre, il ne pouvait pas le reconnaitre vite et que l'autre l'ai fait avant lui l'agaçait.

« Aaron c’est vraiment toi ? »

L'homme grimaça et Gaïa qui s'était reposée sur son épaule serra convulsivement son manteau pour le calmer. La c'était le moment où il devait avoir un flash, se rappeler du mec et le serrer dans ses bras genre vieux pote qu'on a perdu de vue. Sauf qu'il ne le voyait à moitié pas, et que ça ne lui disait rien. Absolument rien. A moins que... Il fit un pas en avant, toujours un peu sur ses gardes. Se faire aborder de la sorte sur un toit, par un mec qui connaissait votre nom, ça n'était pas super rassurant. Ses yeux gris se posèrent sur le daëmon qui venait d'apparaitre à côté du jeune homme. Un léopard ? Il ne se rappelait de personne possédant un léopard ! Et franchement, à part à Lindwuën, il avait rarement croisé des gens possédant des daëmons., alors ce gamin... Aaron fit un pas en avant, le détailla un peu plus. Il y avait dans ses gestes retenus une certaine grâce... disons féline. Et dans ses yeux plus encore. Ces yeux... il les avait déjà vu quelque part. Brusquement, les ans affluèrent à sa mémoire, insaisissables jusqu'à ce qu'il tombe sur la bonne information. Aaron ouvrit la bouche en fronçant les sourcils. C'était.. impossible. Non ? Pas après si longtemps ! Et puis, ce gamin là n'avait pas de daëmon... Pourtant ça lui sautait aux yeux à présent. Il avait changé. Beaucoup changé. Prit de la carrure, grandit d'une vingtaine de centimètres et sa voix était plus grave. Les merveilles de l'adolescence... Toujours incertain, il plissa les yeux pour en être sur, n'y parvint pas.

« Gabriel ...? » essaya-t-il d'une voix hachée et basse.

Il jeta un bref coup d'oeil à Gaïa que le garçon n'avait pas connu. Trop bref pour que quiconque le remarque. « Le Gabriel d'il y a 6 ans ? Celui du Danemark ? Aaron, c'est impossible, ça ne peut pas être lui ! » Et pourtant...

Le jeune homme se leva. Bien joué Gabriel, t’as encore fait une gaffe. Si ça se trouve, ce type était un délinquant qui trainait sur les toits, qui avait un couteau dans sa poche et qui…et qui avait la même odeur que Aaron. Non, pas possible qu’il se soit tromper, c’était forcement lui. Alors pourquoi il avait l’étrange sensation d’avoir fait quelque chose de travers ? Mais bien sur. Dire qui il était aurait surement été quelque chose de sensé à faire, ce qu’il pouvait être stupide parfois, il abordait les gens dans le noir, des gens qui ne le voyait surement pas vraiment très bien, il l’appelait par son prénom et il ne lui disait rien d’autre. Effectivement, il était définitivement stupide, c’était sur et certain. Au moment où il allait se présenter, Aaron le devança.

« Gabriel … ? »

Grand dieu, il se souvenait de lui, qui l’eut cru. Que pouvait-il lui dire. Ouais, c’est moi, le gamin paumé que tu as rencontré il y a 6 ans au Danemark. Celui qui ne se séparait jamais d’un chat bizarre qu’il faisait passer pour un vieux chat de gouttière alors que c’est des chats sauvage d’Amérique du Sud. Ce même Gabriel avec qui tu avais sympathisé le temps où l’on c’est connu. Ce garçon de 14 ans, qui est maintenant devenu un homme de 20 ans. Et qui se promène avec une féline accrochée aux talons toute la journée et de qui il ne peut absolument pas se passer.

« Gagné... »

Et il était censé faire quoi maintenant ? S’approcher et le prendre dans ses bras dans une étreinte virile, juste lui serrer la main. En tout cas tout sauf rester debout sur le toit d’un immeuble comme un imbécile. Elendil le poussa du nez, c’était en tout cas pas à elle qui allait faire le premier pas. Le jeune homme avança donc en direction de Aaron, de cette vieille connaissance d’il y a tant d’année. Il ne savait vraiment pas comment le saluer, parce que tant de chose avait changé depuis leur première rencontre. Lui en premier. Et Aaron, leur différence d’âge semblait moins flagrante qu’avant mais comment avaient-ils pu bien s’entendre auparavant. « Tu réfléchis trop petit frère. » Oui, Elendil avait surement raison, mais que pouvait-il faire d’autre. Cette rencontre le décontenançait.

« Le hasard est bien étrange parfois. »

Bon ok, tait toi Gaby ou fait quelque chose d’intéressant. Mais reste pas planté la comme un guignol. Ridicule, il était parfaitement ridicule et sa daemon poussa un énorme soupir. Voila qu’elle se moquait de lui. Non mais sérieusement, elle avait raison. Qu’est ce qu’il pouvait être bête parfois.

Il se rappelait parfaitement le petit garçon renfermé qu'il avait croisé là bas. Le petit garçon ? Non, il était déjà assez âgé, mais le revoir comme ça d'un coup, six ans après ! Ce n'était pas possible. Et pourtant, il y avait ces yeux qui étaient en tout point semblables à ceux de Gabriel, la souffrance et la peur en moins. Ce gars là avait au moins la vingtaine, et si c'était lui Gabriel devait avoir 20 ans à présent.

« Gagné... »

Aaron haussa les sourcils et eut un bref éclat de rire désabusé. Naan, pas possible. Oh putain !! Étrange ? A ça c'était le cas de le dire. Aaron resta un instant bloqué, le sourire commençant à lui monter irrésistiblement aux lèvres. La vache ! Il éclata de rire et fit quelques pas pour serrer Gabriel dans ses bras. Il finit par reculer, se passant une main dans les cheveux, vraiment surprit.

« Putain.. Si je m'attendais à ça ! Tu.. qu'est ce que tu fais là ? T'es à Lindwuën ? » il se mordit la lèvre inférieure, leva les yeux au ciel. « Putain ! Ça fait quoi... 6 ans ? T'as grandit... Ouais tu me diras, normal, encore heureux ! Mais ça fait un choc ^^. »

Gaïa eut un petit rire malicieux et secoua la tête en lui disant de se calmer. Aaron lui sourit, se rendit compte d'une chose qu'il avait oublié. Son visage se figea et il s'accroupit lentement, la tête légèrement penchée. Derrière Gabriel, une forme sombre et féline. Daëmon. Un souffle s'échappa de ses lèvres et il planta ses yeux gris dans ceux de l'animal qui se tenait en face de lui. Une fourrure blanche tachetée aux reflets d'argent agitée par le vent. Un corps puissant et long. Des pattes fortes et douces. Deux yeux ambres mouchetés de pointes d'or sombre. Once. Un sourire ravi étira lentement les lèvres du pion et il abaissa légèrement la tête pour la saluer.

« Bonjour... » lâcha-t-il d'une voix rêveuse. « Je n'ai pas le souvenir de t'avoir rencontré avec une si belle moitié, Gabriel. » Gaïa lui piqua la joue du bec, toujours perchée sur son épaule.
« Et il ne doit pas avoir le souvenir que tu en ai une plus belle encore... » rétorqua l'oiseau d'une voix moqueuse, fixant de ses petits yeux noirs l'Once. Aaron rit sans lâcher le daëmon des yeux.
« Gaïa. » déclara-t-il comme si ça se passait de commentaires.
« Ravie.. »

Il leva des yeux rieurs vers Gabriel et attendit qu'il lui présente sa moitié. S'il comptait jamais le faire.

Ouais, ça c’est sur, il avait grandi, vieilli, pris de la maturité. Tout un tas de choses qu’on fait entre 14 et 20 ans. Il fut ravi de l’accolade amicale entre lui et Aaron, comme quoi, le temps n’efface pas tout, et même rien. Toutes les idées reçues sur l’amitié qui disparaissait n’étaient qu’idée reçue. En regardant Aaron, il remarqua quelques rides légères aux contours de ses yeux. Six ans de soucis en plus, de vie de plus, de choix pas toujours très intelligents et d’autre qui forgent l’histoire des gens.

« Toi t’as vieilli un peu quand même. »

Un grand sourire s’étala sur ses lèvres. Mon Dieu, quel plaisir de revoir Aaron ici. Jamais il n’aurait pensé le retrouver un jour quelque part. Quand il se baissa, Gabriel se demanda d’abord pourquoi il le faisait. Le jeune homme éclata de rire en voyant la petite jalousie de l’adorable Gaïa. Elle était à croquer. Une toute petite boule de plume, sa petite face rouge. Chardonneret Élégant. Oui, et pour être élégante, elle l’était vraiment. Le jeune homme s'inclina légèrement devant eux.

« Je suis enchanté mademoiselle. »

Elendil vint alors se frotter à Gabriel en ronronnant, lui rappelant alors qu’elle était là et que c’était elle la plus belle. Le jeune homme lui grattouilla derrière les oreilles et la daemon ferma alors les yeux sous la caresse. Elle se détacha ensuite de Gabriel et s’approcha de Aaron. Elle l’avait déjà rencontré, il ne le savait simplement pas. La daemon s’assit juste en face de lui et posa son regard dans celui d’Aaron. Regard paisible et emplit de sagesse. Gabriel en fut heureux. En temps normal, jamais la léopard ne se serait avancée si près d’un autre humain, preuve qu’elle lui faisait déjà confiance suite à la dernière rencontre d’Aaron et de sa moitié.

« Aaron, je te présente Elendil. La plus belle partie de mon âme. Tu l’as déjà rencontrée, il y a 6 ans, sous la forme d’un tout petit chat. »

Gabriel s’approcha alors d’eux et s’assit au coté d’Elendil, qui vint poser sa tête sur l’épaule de son humain. Le jeune homme poussa doucement Aaron d’une main tandis qu’il se replongeait un instant dans ses pensées, dans la contemplation de la vie d’où les lumières semblaient avoir disparues.

« Alors, raconte-moi, qu’est ce que tu deviens depuis tout ce temps ? »

Ouais, un sacré bout de temps, il avait du s’en passer dans la vie d’Aaron depuis, et il voulait absolument tout savoir.

« Vieillit ? Moi ? T'as des hallucinations mon gars, je suis la jeunesse éternelle incarnée . Ce qui n'est pas ton cas ! »
« Ou pas \o/ » releva l'oiseau joyeusement.
« Silence, piaf. »

Gaïa lui tira la langue joyeusement et se mit à jouer avec une mèche de ses cheveux en la pinçant. Elle rencontra alors les deux yeux de Gabriel et d'un petit saut elle pencha la tête de côté, regardant ces deux prunelles d'un vert bleuté. Elle sembla réfléchir un instant. « J'aime bien cet humain, il a de bon gouts (a). » « Narcissique ! » Aaron bougea son épaule mais elle tint bon en riant. L'Once se mit en mouvement et le jeune homme cessa d'embêter son daëmon, ses yeux gris braqués sur elle. Il adorait les voir se déplacer, aimait à copier leur souplesse et leur grâce toute féline. Il se perdit un instant dans l'or de ses yeux, sourit doucement.

« Elendil, l'ami des Elfes. C'est un beau nom. J'ose espérer que tu en connais l'origine.. » il claqua des doigts alors qu'il s'en souvenait. « Le chat ! Noir avec des pattes blanches c'est ça ? Ou alors je confond.. »
« Vive Alzheimer précoce ? »

Aaron ouvrit la bouche en souriant, faisant mine d'être choqué. Mais t'arrête de me casser en permanence oui ? Rooh c'qu'elle peut être chiante lorsqu'elle est jalouse celle la.. Gaïa lui piqua la joue tendrement en lui disant que c'était pour son bien Et pour qu'il ne prenne pas la grosse tête. xD... Aaron ferma les yeux, secoua la tête en soupirant. N'importe quoi. Il releva le menton et s'assit en voyant que Gabriel avait bien l'intention de lui parler. Il éclata d'un rire franc et se passa la main sur le visage et sur la nuque.

« Alors, en gros t'as loupé une bonne partie de l'Europe et des States à moto, toutes les.. rencontres qui vont avec et ça fait deux ans que je suis à Lindwuën. Et putain, c'était deux ans mouvementés ! » il jeta un oeil rieur à Gaïa qui opina du chef en soupirant. « Et toi ? Quoi de neuf depuis le Danemark ? »

Surement des tas de choses. Son "en gros" était vraiment très, très large. Mais ça, c'était une autre histoire. Et puis, il n'avait jamais raconté ses voyages à personne, sauf peut être un peu à Lauriane durant ces deux semaines, et peu nombreux étaient ceux qui savaient qu'il avait fait des voyages. Si la boucle du tour du monde n'était pas bouclée, elle n'en était pas loin. Il avait fait presque tout l'hémisphère nord sans la Russie.

Aaron hocha de la tête en souriant, passant d'Elendil a Gaby, s'émerveillant encore de le retrouver à un endroit aussi improbable que ce toit. Six ans. C'était assez long. En six ans il avait eu le temps de faire tellement de choses... et il en avait tellement d'autres à faire. Gaïa s'ébroua rapidement, constata que la pluie avait cessé. Et que l'air était de plus en plus lourd. Les yeux plissés, l'oiseau sonda le ciel opaque et frissonna.

« J’ai été lâche. »

Le sourire d'Aaron redescendit d'un coup. Violemment. Un vent glacial caressa sa nuque et il frémit. Si tu savais.. Côté lâcheté il remportait sans peine la palme, il en était certain. Baissant les yeux à terre en se passant la main dans les cheveux, Aaron inspira un bon coup et laissa Louve de côté. Relevant les yeux à la question du jeune homme, le pion secoua la tête en souriant légèrement.

« Non, moi je suis celui qui te donnera des heures de colles si t'es pas sage ! » il éclata d'un rire franc, oublia le malaise de tout à l'heure. « Naan mais t'inquiète, les pions de LD sont cools. Tant que tu fais pas péter l'université ça passe. »

S'il savait.. Déchirant le ciel, un éclair s'abattit sur le toit de l'immeuble, aussi imprévu que violent. Ses pupilles se rétractant immédiatement, Aaron fut aveuglé et une douleur vive lui transperça le crâne. Reprenant ses repères, il se redressa lentement en jetant un oeil inquiet vers l'impact. Dans un fracas métallique, la seule échelle lui permettant de redescendre s'écrasa sur le bitume en contrebat. Aaron grimaça et tourna la tête vers Gabriel. Il lui tendit la main, le releva.

« Ça va, gars ? » demanda-t-il, étrangement essoufflé. « Bah putain, c'est pas passé loin ! Tu n'as rien ? T'inquiète, la foudre ne frappe jamais.. »

Un deuxième éclair le projeta en arrière et Aaron eut l'impression qu'on appuyait de toutes ses forces sur ses épaules. Deux fois au même endroit ? L'homme s'écrasa sur les graviers en se tenant la tête pour ne pas se la cogner quelque part. Affolée, Gaïa s'était jetée à terre et sautillait faiblement vers son humain en lui demandant s'il allait bien. Aaron se redressa en grimaçant, se disant qu'il aurait des contusions partout le lendemain. Gaïa lui sauta dans la main et il la plaqua contre son cou, le cœur battant. Gaby ! De la fumée s'élevait d'un coin de l'immeuble et le pion comprit qu'un feu s'était déclaré. Mais où était la pluie quand on avait besoin d'elle ? Apercevant le jeune homme, Aaron courut vers lui et s'accroupit à ses côtés.

« Lève toi ! Gaby ça a prit feu il faut qu'on sorte ! »

L'échelle étant tombée, il ne savait pas par ou passer. Ses yeux gris se posèrent sur les planches de bois qui condamnaient la porte qui menait aux étages inférieurs. Si jamais elles ne cédaient pas... Il refusait d'y penser.